dimanche 28 mars 2010

Les géants des légendes rhénanes

Dans le livre Légendes Rhénanes,publié en français aux éditions Rahmel-Verlag (2004) l'auteur, Eugen Hollerbach fait parler le Rhin et développe une théorie (personnelle ?) sur l'origine des représentations de notre géant favori.Les deux Saint Christophe qui illustrent cet article sont ceux de la Cathédrale de Cologne photographiés en 2009 par Bernard Françon, celui-la même qui nous a procuré le texte des Légendes Rhénanes. Merci!

Un bénitier du 17ième siècle

C'est un bénitier en faïence que le peintre Ernest Hébert (1817-1908) a ramené de ses séjours en Italie. La façon de tenir l'enfant n'est pas habituelle pour un Saint Christophe, j'ai failli croire que c'était Saint Joseph... mais je me range à l'avis des conservateurs du Musée Hébert de La Tronche (38), musée dont je vous recommande la visite : c'était la maison de campagne du peintre, le jardin est beau, on se croirait à Nohant avec la vue sur Belledonne en plus.

samedi 13 mars 2010

Saint Christophe au risque des galipotes, un article de Jean Loïc Le Quellec

L'essentiel de cet article (Bulletin n°233 de la Société de Mythologie Française, décembre 2008) est consacré à l'épisode de la légende où Christophe porte un enfant au poids croissant. Vous trouverez ci dessous, un résumé de ce que j'ai cru comprendre, accompagné de commentaires qui n'engagent que moi.
Jean Loïc Le Quellec considère que l'épisode de la Légende de Saint Christophe où celui-ci porte un enfant qui s'alourdit ne s'est rattaché à la légende qu'au XIIième ou XIIIième siècle en reprenant des motifs éminemment populaires :
- le Bon Pasteur criophore (c'est à dire qui porte un mouton sur ses épaules), vainqueur de la mort et sauveur des âmes dont l'image est apparue sur les tombes chrétiennes dès le Ier siècle. L'auteur rappelle que Hermès lui aussi est parfois représenté portant un bélier... Cette représentation du Christ disparait ensuite du IVième siècle jusqu'à la Renaissance sauf...
- en Auvergne et en Charente, où dans une douzaine d'églises on peut retrouver des représentations (chapiteaux sculptés) où des personnages soufflant, tirant la langue portent sur leur dos des bêtes à laine aux dimensions disproportionnées sous lesquelles ils semblent obligés de plier les genoux. Les animaux y sont menaçants et Jean Loïc Le Quellec y voit l'animal merveilleux appelé "drac" en Auvergne, "drac" ou "draquet" dans les Pyrénées centrales et orientales, et "galipotes" ou "ganipotes" en Poitou-Saintonge...
Sur le thème folklorique de "l'être porté", Le Quellec semble considérer que ce motif est abondant dans un croissant qui va des Pyrénées jusqu'au pays flamands, en passant par le Centre, voir le Centre Ouest de la France...
Je pense que la collecte de Charles Joisten a du lui échapper en ce qui concerne les Alpes Françaises, et notamment le Dauphiné, où les attestations sont nombreuses et contemporaines : des êtres apparemment fragiles (agneaux, chats, oiseaux, bébés...), "ramassées" de nuit s'alourdissent, et se révèlent être le diable. On m'en a encore raconté, personnellement, une en l'an 2000 : le chat roux de Chateauroux à Sainte Agnès (38). A ce sujet, vous pouvez aller voir dans ce blog tous les articles libellés avec le mot fardeau... Et notamment tous ceux qui se réfèrent à la collecte de Charles Joisten sur les Êtres Fantastiques dans les Alpes.
... Petite remarque amusante : à Grenoble, le Drac se jette dans l'Isère... C'est son principal affluent.
Mais, trêve de bavardages, voici ce que racontent, d'après Jean Loïc Le Quellec, les récits poitevins (résumés) :
- La nuit, au voisinage des rivières ou des points d'eau, un promeneur, par exemple un jeune homme revenant de visiter sa "galande", rencontre un mouton ou une chèvre qui lui saute sur le dos. Il lui est impossible de se défaire de l'apparition qui pèse de plus en plus lourd et l'épuise... L'auteur de l'article précise que, comme en Catalogne, la rencontre d'une galipote est la plupart du temps fatale à son porteur et que, lorsque cet être disparait, il pousse un ricanement sinistre.
- Vers 1885, un vigneron de Saint Thomas de Connac rentrait chez lui à la nuit close. Il avait fort bien mangé et bu davantage. Comme il s'engageait sur "le Pont de la Pierre", une ganipote surgit à ses côtés et lui pris le bras. Très effrayé, il se débat, hurle, rien à faire. A l'approche des maisons elle desserre son étreinte, se change en agneau, puis... "il n'y eu bientôt sur la route qu'un tout petit enfant qui s'éloignait en pleurant".
Peut-on rapprocher ce dernier récit du bébé trouvé par une femme et qui s'alourdit (Joisten) voir de la jolie légende japonaise du Samouraï qui se retrouve aider à la naissance d'un bébé ?
Il y a aussi tout un chapitre sur les oiseaux nommés roitelets, "rois du monde" minuscules mais au poids énorme dit-on en France et Catalogne, ce qui a donné lieu à des rituels de transports de l'animal dans des charrettes tirées par quatre à huit, voir vingt-quatre boeufs...
Mais pourquoi le motif de la traversée du fleuve serait-il associé à celui du fardeau qui s'alourdit ? Jean Loïc le Quellec cite alors Henri Fromage (" Le thème folklorique de l'être porté", Tradition Wallone, 1993) qui, dit-il , aurait montré que les récits de galipote portent certainement le souvenir "laïcisé" d'un ancien rituel de portage, ou l'être porté est une femme-oiseau surnaturelle qui impose cette épreuve à un mortel qui finit par succomber sous la charge...
Bien sûr cela me fait penser à la peste qui se fait porter dans un récit breton de Anatole Le Braz.
Cliquez sur les liens (et les libellés) : il y en a décidément dans tous les sens...
Je pense n'avoir pas épuisé le contenu de l'article. Par exemple, les reproductions des sculptures sur les chapiteaux par l'auteur sont superbes. Allez-y voir vous même !
Merci, Monsieur Le Quellec.

Saint Christophe, histoire d'une légende dans un article de Jean Loïc Le Quellec

Dans l'article "Saint Christophe au risque des galipotes", du Bulletin n°233 de la Société de Mythologie Française (décembre 2008) dont je n'ai eu connaissance que récemment, j'ai trouvé un historique de la légende du saint. En voici un résumé pour vous donner envie d'aller lire le détail :
La légende originale appartient au domaine oriental, "Reprobus étant une sorte de cynocéphale anthropophage qui sitôt converti perd sa tête de chien et acquiert la parole". Dans les versions occidentales des IXième et Xième siècle la tête de chien sera sciemment supprimée. L'image du porte-Christ ne s'est superposée à ce récit qu'en Occident à partir du XIIième siècle. On ne parle de Christophe comme passeur qu'à partir du XIIIième siècle "peut-être par adoption secondaire de la légende de Julien". L'auteur remarque que la charge de passeur était liée au droit d'asile sur les bacs dont bénéficia Julien en tant que parricide. Les représentations colossales aux murs et surtout aux entrées d'église se multiplient à partir du XIV et XVième siècle.
Voilà qui me confirme dans le fait que Julien et Christophe sont liés. Cliquez sur le libellé "julien" pour avoir tous les articles concernant ce saint qui a inspiré entre autres Flaubert...
Une des premières versions écrite avec Christophe comme passeur serait donc celle de Jacques de Voragine au XIIIième siècle.

Les fleuves en Galice

Dans l'article de Josefina M.Anton et de Manuel Mandianes, intitulé "Les âmes et l'eau en Galice", Bulletin n°233 de la Société de Mythologie Française, j'ai noté ce petit extrait :
Les âmes, les tempêtes et les serpents ne peuvent traverser les fleuves. Pour échapper à un serpent qui vous poursuit, il n'est rien de mieux que de franchir un fleuve. Aux premières heures de l'aube, lorsque les passeurs dormaient paisiblement, ils entendaient appeler à leur porte, se levaient, regardaient et ne voyaient personne; c'étaient les âmes qui leur demandaient de les faire passer sur l'autre rive.

Bulletin de la Société de Mythologie Française n°233

En décembre 2008, ce bulletin trimestriel publiait les actes de son Congrès de Vernet les Bains sur le thème de l'eau avec plusieurs articles :
- La fontaine de Chaigne à Orches (Côte d'or)par Denise Basset
- Les âmes et l'eau en Galice par Josefina M.Anton et Manuel Mandianes
- Saint Christophe au risque des galipotes par Jean Loïc Le Quellec
- Le passage de l'eau par Edith Montelle
- Hydronimie Pyrénéenne : richesse et diversité, par l'Abbé Albert Cazes
Bien sûr c'est celui de Jean Loïc Le Quellec qui m'intéresse en priorité, mais...