Le jour où la conteuse que je suis a rencontré Saint Christophe dans La Légende Dorée de Jacques de Voragine, elle s'est retrouvée sur les traces d'un géant "de plus en plus fort" qui aboie, passe les rivières, et finit par porter un fardeau si lourd qu'il manque de se noyer...
samedi 22 juin 2013
La route, le Bugey, le monde : une exposition temporaire (01)
C'est à voir au Musée du Bugey Valromey, dans l'Ain. Un doux pays clafi de rivières secrètes cachées sous les arbres... Une jolie exposition où l'on croisera un St Christophe... même s'il n'y a plus de St Christophe dans ce coin là, il y avait un oratoire à St Rambert... et à St Sorlin en Bugey il y a toujours une belle fresque au dessus du Rhône. Il y a quand même un pont du diable près d'Artemare, où un moine et sa mule chargée de vin arrivent à franchir l'abîme, au lieu dit "La dangereuse", de façon plus leste que le Diable. C'est bien parce que c'est Suzanne qui le raconte qu'on croit à ce genre de miracle ! La statue du Réprouvé ci dessous appartient à la Conservation Départementale de l'Ain
vendredi 31 août 2012
Quarante petits saints en promenade à Plouguerneau (29)
En ce qui concerne la statue (18ième siècle) j'aime comment l'enfant caresse la chevelure du Réprouvé.
Entre Plouguerneau et Lannilis, traversant l'Aber Wrac'h, il y a aussi un Pont du Diable, une chaussée recouverte à chaque marée haute dans un site superbe. Pour voir la légende, l'adresse est toujours la même, plouguerneau.net mais ma photo est meilleure que la leur, n'est-ce pas ! Le Pont Krac'h ne semble pas relié à mon saint préféré même s'il se situe manifestement sur de vieux chemins bordés de chapelles (le pont relie actuellement la chapelle de St Pol de Léon à celle de St Yves). Je vous recommande la promenade.
dimanche 28 novembre 2010
dimanche 13 juin 2010
Affiches à St Christophe en Oisans
samedi 13 mars 2010
Saint Christophe au risque des galipotes, un article de Jean Loïc Le Quellec
Jean Loïc Le Quellec considère que l'épisode de la Légende de Saint Christophe où celui-ci porte un enfant qui s'alourdit ne s'est rattaché à la légende qu'au XIIième ou XIIIième siècle en reprenant des motifs éminemment populaires :
- le Bon Pasteur criophore (c'est à dire qui porte un mouton sur ses épaules), vainqueur de la mort et sauveur des âmes dont l'image est apparue sur les tombes chrétiennes dès le Ier siècle. L'auteur rappelle que Hermès lui aussi est parfois représenté portant un bélier... Cette représentation du Christ disparait ensuite du IVième siècle jusqu'à la Renaissance sauf...
- en Auvergne et en Charente, où dans une douzaine d'églises on peut retrouver des représentations (chapiteaux sculptés) où des personnages soufflant, tirant la langue portent sur leur dos des bêtes à laine aux dimensions disproportionnées sous lesquelles ils semblent obligés de plier les genoux. Les animaux y sont menaçants et Jean Loïc Le Quellec y voit l'animal merveilleux appelé "drac" en Auvergne, "drac" ou "draquet" dans les Pyrénées centrales et orientales, et "galipotes" ou "ganipotes" en Poitou-Saintonge...
Sur le thème folklorique de "l'être porté", Le Quellec semble considérer que ce motif est abondant dans un croissant qui va des Pyrénées jusqu'au pays flamands, en passant par le Centre, voir le Centre Ouest de la France...
Je pense que la collecte de Charles Joisten a du lui échapper en ce qui concerne les Alpes Françaises, et notamment le Dauphiné, où les attestations sont nombreuses et contemporaines : des êtres apparemment fragiles (agneaux, chats, oiseaux, bébés...), "ramassées" de nuit s'alourdissent, et se révèlent être le diable. On m'en a encore raconté, personnellement, une en l'an 2000 : le chat roux de Chateauroux à Sainte Agnès (38). A ce sujet, vous pouvez aller voir dans ce blog tous les articles libellés avec le mot fardeau... Et notamment tous ceux qui se réfèrent à la collecte de Charles Joisten sur les Êtres Fantastiques dans les Alpes.
... Petite remarque amusante : à Grenoble, le Drac se jette dans l'Isère... C'est son principal affluent.
Mais, trêve de bavardages, voici ce que racontent, d'après Jean Loïc Le Quellec, les récits poitevins (résumés) :
- La nuit, au voisinage des rivières ou des points d'eau, un promeneur, par exemple un jeune homme revenant de visiter sa "galande", rencontre un mouton ou une chèvre qui lui saute sur le dos. Il lui est impossible de se défaire de l'apparition qui pèse de plus en plus lourd et l'épuise... L'auteur de l'article précise que, comme en Catalogne, la rencontre d'une galipote est la plupart du temps fatale à son porteur et que, lorsque cet être disparait, il pousse un ricanement sinistre.
- Vers 1885, un vigneron de Saint Thomas de Connac rentrait chez lui à la nuit close. Il avait fort bien mangé et bu davantage. Comme il s'engageait sur "le Pont de la Pierre", une ganipote surgit à ses côtés et lui pris le bras. Très effrayé, il se débat, hurle, rien à faire. A l'approche des maisons elle desserre son étreinte, se change en agneau, puis... "il n'y eu bientôt sur la route qu'un tout petit enfant qui s'éloignait en pleurant".
Peut-on rapprocher ce dernier récit du bébé trouvé par une femme et qui s'alourdit (Joisten) voir de la jolie légende japonaise du Samouraï qui se retrouve aider à la naissance d'un bébé ?
Il y a aussi tout un chapitre sur les oiseaux nommés roitelets, "rois du monde" minuscules mais au poids énorme dit-on en France et Catalogne, ce qui a donné lieu à des rituels de transports de l'animal dans des charrettes tirées par quatre à huit, voir vingt-quatre boeufs...
Mais pourquoi le motif de la traversée du fleuve serait-il associé à celui du fardeau qui s'alourdit ? Jean Loïc le Quellec cite alors Henri Fromage (" Le thème folklorique de l'être porté", Tradition Wallone, 1993) qui, dit-il , aurait montré que les récits de galipote portent certainement le souvenir "laïcisé" d'un ancien rituel de portage, ou l'être porté est une femme-oiseau surnaturelle qui impose cette épreuve à un mortel qui finit par succomber sous la charge...
Bien sûr cela me fait penser à la peste qui se fait porter dans un récit breton de Anatole Le Braz.
Cliquez sur les liens (et les libellés) : il y en a décidément dans tous les sens...
Je pense n'avoir pas épuisé le contenu de l'article. Par exemple, les reproductions des sculptures sur les chapiteaux par l'auteur sont superbes. Allez-y voir vous même !
Merci, Monsieur Le Quellec.
samedi 27 septembre 2008
St Christophe de Javel, 23 septembre 2008
A l'entrée un Saint Christophe de marbre blanc m'accueille.L'église est tapissée des 2 côtés par des fresques immenses et légendées, comme une bande dessinée ou une fresque du Moyen-âge, qui racontent la vie de St Christophe. L'artiste signe Jacques Martin Ferrières et il a travaillé directement sur le béton avec de la cire. L'oeuvre est monumentale, pleine de détails...
Sur le côté droit, le texte dit ceci (chaque paragraphe correspond à une image) :
Fier de sa force, le géant Reprobus décide de la mettre au service de l'être le plus puissant du monde. Mais un jour, le Prince qu'il servait se troublant au seul nom de Satan prononcé par des musiciens, Reprobus rend ses armes et dit Satan sera mon maître.La suite de l'histoire sur tout le mur de gauche raconte Christophe, converti, prêcheur et martyr jusqu'à l'ascension de sa tête décapitée vers le ciel... Le genre d'histoire qui ne m'intéresse pas beaucoup.
Reprobus abandonne Satan vaincu par la Croix du Christ.
Un ermite révèle au bon géant la religion du Christ et l'envoie aider les voyageurs à passer un torrent.
Une nuit un petit enfant hèle le passeur. Le bon géant porte avec aisance son précieux fardeau quand soudain ses forces le trahissent sous le poids prodigieux de l'enfant et sous la poussée des eaux démesurément grossies.L'enfant Dieu dissipe par son sourire l'angoisse du bon géant : on t'appelait le Réprouvé, je te baptise Christophe car tu as porté le Christ qui supporte le poids du monde.
L'église date de 1930. Elle a été construite dans un quartier déshérité, un quartier populaire en bord de Seine, célèbre pour ses sablières et ses usines chimiques. La volonté des religieux et de l'architecte était de construire avec des moyens modernes (c'est le tout début du béton armé) une cathédrale à moindre prix (parce que préfabriquée dans des ateliers chauffés l'hiver pour limiter le chômage des maçons et permettre aux moins qualifiés d'avoir du travail)mais qui donne envie d'entrer.
Au dessus du choeur une autre peinture de St Christophe entourée d'étoiles. Je lirai plus tard que les étoiles étaient "vendues" pour payer les travaux : tous les enfants voulaient avoir "leur" étoile près de St Christophe ! Autour du saint, il y a, parait-il, représentés toutes sortes de transports contemporains, même une ... skieuse. La lumière n'était pas assez bonne pour que je les vois...
La célébration est finie, je fais quelques photos, heureusement car le prêtre commence à éteindre les lumières. Il me dit qu'il est pressé mais il réussi à me vendre une petite brochure très intéressante sur l'église et sa construction !
En sortant je découvre l'inscription au dessus de la porte et le Saint Christophe de 8 m 50 qui surplombe l'entrée.
Faites un détour par cette église : il y a d'autres Christophe cachés dans tous les coins : vitraux, horaires des messes, fresques extérieures ou le saint accompagne des coureurs automobiles...
Juste à côté étaient les usines Citroën. Jusqu'en 1960, il y avait une bénédiction des voitures mais, bouchons aidant, il a été abandonné. En 2009, la Saint Christophe sera fêtée le 20 juin !
A deux ou trois cent mètres, sous le Pont Mirabeau, coule la Seine... Et voguent encore des péniches emplies de ciment. ... " Fluctuat nec mergitur", c'est la devise qui est inscrite sur les Ponts de Paris et notamment le Pont Mirabeau. Ce n'est pas que de la littérature. La corporation qui a "fondé" la ville était celle des bateliers.
lundi 7 juillet 2008
Le bébé qui s'alourdit
Une femme de Corps qui revenait de la Salette à la tombée de la nuit, trouve un petit bébé qui pleurait au bord du chemin. Alors, la bonne femme il le prend, il le met dans son tablier et en cours de route, il trouvait qu'en marchant le bébé il devenait bien lourd. Elle à ce moment, lui a dit :Recueilli à Beaufin (38) en 1959. Bien sûr, ça vient de la collecte de Charles Joisten mais ça m'avait échappé ! Un comble. A comparer à la légende du samouraï... et aux autres légendes où le fardeau qui s'alourdit est un animal.
- Tu es bien lourd !
Et puis le petit lui a répondu:
-C'est le diable que tu portes !
Elle l'a posé sur le bord du chemin et ça a disparu tout d'un coup, comme ça, vé!
Pour ceux qui ne sont ni dauphinois, ni très catholiques, La Salette est un sanctuaire marial que l'on visite depuis la Pologne, au moins...
vendredi 6 juin 2008
Saint Christophe en Oisans
Je viens raconter à la Cordée. Il pleut. L'église est ouverte. A l'entrée, il y a un amoncellement de bagages et d'adolescents. j'entre. il fait sombre. St Christophe est là. Je reconnais sa statue ou plutot sa silhouette sur l'autel principal. J'essaie au flash mais rien à faire, il fait trop noir...
Juillet 2005
Il ne pleut pas. Je vais le saluer. La lumière est bonne mais je n'ai pas mon appareil photo. Pour compenser je descends au Pont du Diable. Ce n'est pas le Vénéon que traverse ce pont mais un de ses affluents, le torrent du Diable , une sorte de cascade qui hurle juste avant le village.
Avril 2008
A distance, d'autant que la route de St Christophe est coupée la journée pour travaux après de gros éboulements, je me plonge dans "Êtres fantastiques, patrimoine narratif de l'Isère" de Charles Joisten, où je trouve, entre autres, 2 versions de la légende du Pont du Diable (photo à l'appui), dont je recopie la plus courte. Il est à remarquer qu'il y a un 2ième Pont du diable qui a été construit au dessus du premier pour faire passer les voitures :
"L'ancien Pont du diable, de St Christophe en Oisans, avait été construit par le diable auquel, en échange, les habitants avaient promis la première âme qui passerait sur le pont. Mais pour le tromper, ils y avaient fait passer un rat, suivi d'un chat, lequel était poursuivi par un chien. Le diable, furieux avait dû se contenter de ces proies". Juin 1962.
En haut le "nouveau" Pont en travaux ce printemps 2008. Au centre on devine l'arche de l'ancien pont, toujours utilisable mais à pied...
Mai 2008
Je viens raconter au Musée de l'Alpinisme mes histoires fantastiques. Dans ce petit village sont nées des dynasties de guides de haute montagne (les Rodier, les Gaspard, les Turc) et parmi eux deux Christophe Turc (le père et le fils) qui ont expérimenté, dans le cadre du secours en montagne, ce que c'était que de porter quelqu'un, mort ou vivant, à dos d'homme... Il pleut... J'ai quand même l'appareil photo et grâce à une courte éclaircie, je réussi à capturer l'image des deux ponts du Diable, le village, la statue dans l'église sans lumière... En prime je m'offre de raconter "le Réprouvé " in situ, ou presque, le Musée est juste de l'autre côté de la rue.
mercredi 30 avril 2008
La chasse du Roi Hérode traverse l'Ain
Voici un document que m'avait communiqué André Julliard pour la création d'une bande son pour le Musée Escale Haut Rhône .
Il y a bien quatre-vingts ans que Cafi était pontonnier et le plus intéressant narrateur de Condes. Une nuit qu’il était couché, il est réveillé par les cris : « A la barque, à la barque ! ». La nuit était froide ; on était à la veille de la Fête des Rois, c’est-à-dire précisément au cœur de l’hiver. Il en coûtait au Cafi de se lever ; il aurait volontiers envoyé au Diable l’importun voyageur. Un sentiment d’humanité le rappelle bien vite à son devoir ; il s’habille à la hâte, court à la nacelle et traverse la rivière. Là, se trouvait un grand monsieur, couvert d’un grand chapeau, armé d’un grand fusil, suivi d’une grande meute. Le personnage entre dans le bateau, il y est suivi de ses chiens, qui chargent d’un poids énorme le frêle esquif. Ces quadrupèdes l’avaient déjà tout couvert, qu’il en sautait, sautait, sautait encore, sautait toujours, tant et si bien qu’ils passaient trois cents.
En mettant pied à terre, le généreux passager, désirant récompenser dignement le zèle et le bon cœur du pontonnier, lui remplit la main de pièces d’or. Mais quand l’honnête Cafi, de retour à sa maisonnette, voulut compter les louis qu’il avait reçus, il ne trouva plus dans son gousset que des feuilles de buis ! Il se souvint alors que c’était la veille des Rois et vit bien qu’il venait d’avoir affaire à ce réprouvé d’Hérode.
dimanche 20 avril 2008
Le fardeau qui s'alourdit
Dans la classification internationale des motifs narratifs (index) ça s'appelle
"Devil becomes heavier and heavier" sous le n° G 303 3 5 3
Je n'ai rien inventé : c'est tout écrit dans le livre "Êtres fantastiques, patrimoine narratif de l'Isère". Dans ce livre qui est le recueil des récits de croyance collectés par Charles Joisten dans le département d e l'Isère de 1950 à 1975, on ne trouve pas moins de 39 variantes autour de cette histoire.
J'en ai choisi quelques unes, dont celles qui sont situés dans des communes de St Christophe : la coïncidence est amusante, n'est ce pas ! Mais il y a une ou plusieurs variantes dans chacun des village que j'ai habité... et qui ne s'appelaient pas St Christophe.
A St Christophe en Oisans, c'est l'agneau qui se fait porter et qui s'alourdit.
"Mon grand père maternel, un nommé T. de St Christophe, revenait un soir du Bourg d'Oisans et, en passant aux Fontaines Bénites, il a trouvé sur la route un agneau qui portait la marque de sa famille. Croyant que l'agneau lui appartenait et qu'il s'était égaré, il l'a pris sur ses épaules. Mais à mesure qu'il approchait de la croix du Blanchet (ou du Comptoir), l'agneau devenait plus lourd. En arrivant à la Croix il l'a posé, et l'agneau a disparu. Chez lui , il ne manquait aucune bête au troupeau. Il a pensé que c'était la Mauvaise Part, le diable." Juin 1962.
A St Christophe sur Guiers :
"Un homme de St Christophe revenait de la foire d'Entre-deux-Guiers. Sur la route, il trouve un agneau et il l'a pris. Mais en arrivant chez lui, il était si lourd qu'il ne pouvait plus le porter. Alors il l'a mis par terre et il a dit :
- Bon Dieu ! C'est le diable !
Le diable lui a répondu :
- Bien sûr que je suis le diable ! ". Avril 1960.
Et puis en voici deux de Séchilienne, le petit chat noir qui se fait porter et s'alourdit :
"Un homme des Thiébauds revenait une nuit du marché de Vizille. Arrivé au lieu dit la Menière après les Rivoirands, il a trouvé un joli petit chat noir. Il l'a ramassé et plus il montait, plus le chat devenait lourd. Arrivé au Clos de la Chèvre, l'animal lui a dit :
- Rapporte moi où tu m'as pris ou tu meurs cette nuit !
Il l'a déposé par terre et il est rentré chez lui; mais dans la nuit, il est mort de frayeur. C'était le foulaton, le diable."Août 1959
" Une femme de la Bathie qui revenait du marché, à Vizille, avait trouvé un joli chat noir, après les Rivoirands, dans le chemin. Elle l'avait pris et à mesure qu'il montait, le chat devenait lourd. Et des pierres grosses comme le bras tombaient autour d'elle. Elle avait dû rapporter le chat où elle l'avait pris; c'était le foulaton". Août 1959
Merci à Alice Joisten qui m'a mise sur la piste !
lundi 14 avril 2008
St Christophe dans la Légende Dorée
Voici le texte intégral, traduit du latin, du texte de Jacques de Voragine concernant la première partie de la vie du Réprouvé, jusqu'à ce qu'il change de nom... Merci aux Bénédictins qui l'ont numérisé... C'est un peu long mais c'est la source essentielle.
"Christophe, avant son baptême, se nommait Réprouvé, mais dans la suite il fut appelé Christophe, comme si on disait : qui porte le Christ, parce qu'il porta le Christ en quatre manières: sur ses épaules, pour le faire passer; dans son corps, par la macération; dans son coeur, par la dévotion et sur les lèvres, parla confession ou prédication.
Christophe était Chananéen; il avait une taille gigantesque, un aspect terrible, et douze coudées de haut: D'après ce qu'on lit eu ses actes, un jour qu'il se trouvait auprès d'un roi desChananéens, il lui vint à l’esprit de. chercher, quel était le plus grand prince du monde, et de demeurer près de lui. Il se présenta chez un roi très puissant qui avait partout la réputation de (284 )n'avoir point d'égal en grandeur. Ce roi en le voyant l’accueillit avec bonté et le fit rester à sa cour. Or, un jour, un jongleur chantait en présence du roi une chanson oit revenait souvent le nom du diable ; le roi, qui était chrétien, chaque fois qu'il entendait prononcer le nom de quelque diable, faisait de suite le signe de croix sur. sa figure. Christophe, qui remarqua cela, était fort étonné de cette action, et de ce que signifiait un pareil acte. Il interrogea le roi à ce sujet et celui-ci ne voulant pas le lui découvrir, Christophe ajouta : « Si vous ne me le dites, je ne resterai pas plus longtemps avec vous. » C'est pourquoi le roi fut contraint de lui dire : « Je me munis de ce signe, quelque diable que j'entende nommer, dans la crainte qu'il ne prenne pouvoir sur moi et ne me nuise. » Christophe lui répondit : « Si vous craignez que le diable ne vous nuise, il est évidemment plus grand et plus puissant que vous ; la preuve en est que vous en avez une terrible frayeur. Je suis donc bien déçu dans mon attente ; je pensais avoir trouvé le, plus grand et le plus puissant seigneur du monde ; mais maintenant je vous fais mes adieux, car je veux chercher le diable lui-même, afin de le prendre pour mon maître et devenir son serviteur. » Il quitta ce roi et se mit en devoir de chercher le diable. Or, comme il marchait au milieu d'un désert, il vit une grande multitude de soldats, dont l’un, à l’aspect féroce et terrible, vint vers lui et lui demanda où il allait. Christophe lui répondit: «Je vais chercher le seigneur diable, afin de le prendre pour maître et seigneur. » Celui-ci lui dit: « Je suis celui que tu cherches. » Christophe tout réjoui s'engagea pour être son (285) serviteur à toujours et le prit pour son seigneur. Or, comme ils marchaient ensemble, ils rencontrèrent une croix élevée sur un chemin public. Aussitôt que le diable eut aperçu cette croix, il fut effrayé, prit la fuite et, quittant le chemin, il conduisit Christophe à travers un terrain à l’écart et raboteux, ensuite il le ramena sur la route. Christophe émerveillé de voir cela lui demanda pourquoi il avait manifesté tant de crainte, lorsqu'il quitta la voie ordinaire, pour faire un détour, et le ramener ensuite dans le chemin: Le diable ne voulant absolument pas lui en donner le motif, Christophe dit : « Si vous ne me l’indiquez, je vous quitte à l’instant. » Le diable fut forcé de lui dire : « Un homme qui s'appelle Christ fut attaché à la croix; dès que j e vois l’image de sa croix, j'entre dans une grande peur, et m’enfuis effrayé. » Christophe lui dit : « Donc ce Christ est plus grand et plus puissant que toi, puisque tu as une si brande frayeur en voyant l’image de sa croix? J'ai donc travaillé en vain, et n'ai pas encore trouvé le plus grand prince- du monde. Adieu maintenant, je veux te quitter et chercher ce Christ. »
Il chercha longtemps quelqu'un qui lui donnât des renseignements sur le Christ; enfin il rencontra un ermite qui lui prêcha J.-C. et qui l’instruisit soigneusement de la foi. L'ermite dit à Christophe : « Ce roi que tu désires servir réclame cette soumission : c'est qu'il te faudra jeûner souvent.» Christophe lui répondit : « Qu'il me demande autre chose, parce qu'il m’est absolument impossible de faire cela. » « Il te faudra encore, reprend l’ermite, lui adresser des prières. » « Je ne sais ce que s'est, répondit Christophe, et je ne (286) puis me soumettre à cette exigence.» L'ermite lui dit: « Connais-tu tel fleuve où bien des passants sont en péril de perdre la vie? » « Oui, dit Christophe. L'ermite reprit: « Comme tu as une haute stature et que tu es fort robuste, si tu restais auprès de ce fleuve, et si tu passais tous ceux qui surviennent, tu ferais quelque chose de très agréable au roi J.-C. que tu désires servir, et j'espère qu'il se manifesterait à toi en ce lieu. » Christophe lui dit ; « Oui, je puis bien remplir cet office, et je promets que je m’en acquitterai pour lui. » Il alla donc au fleuve dont il était question, et s'y construisit un petit logement. Il portait à la main au lieu de bâton une perche avec laquelle il se maintenait dans l’eau ; et il passait. sans relâche tous les voyageurs. Bien des jours s'étaient écoulés, quand, une fois qu'il se reposait dans sa petite maison, il entendit la voix d'un petit enfant qui l’appelait en disant: « Christophe, viens dehors et passe-moi. » Christophe se leva de suite, mais ne trouva personne. Rentré chez soi, il entendit la même voix qui l’appelait. Il courut de,lors de nouveau et ne trouva personne. Une troisième fois il fut appelé comme auparavant, sortit et trouva sur la rive du fleuve un enfant qui le pria instamment de le passer. Christophe leva donc l’enfant sur ses épaules, prit son bâton et entra dans le fleuve pour le traverser. Et voici que l’eau du fleuve se gonflait peu à peu, l’enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avançait, et l’eau gonflait toujours, l’enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et, craignait de périr. (287) Il échappa à grand peine. Quand il eut franchi la rivière, il déposa l’enfant sur la rive et lui dit : Enfant, tu m’as exposé à un grand danger, et tu m’as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourda porter. » L'enfant lui répondit : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, , auquel tu as en cela rendu service; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a. fleuri et porté des fruits, » A l’instant il disparut. En arrivant, Christophe ficha. donc son bâton en terre, et quand il se leva le matin, il trouva que sa perche avait poussé des feuilles, et des dattes comme un palmier."
La Légende dorée , nouvellement traduite en français, avec introduction, notes et notices sur les sources de L'ABBÉ J.-B. M. ROZE, Chanoine Honoraire de la cathédrale d'Amiens
ÉDOUARD ROUVEYRE, PARIS MDCCCCII
© Numérisation Abbaye Saint Benoît de Port-Valais en la fête de la chaire de Saint Pierre 22 février 2004
dimanche 13 avril 2008
Structure narrative, de plus en plus fort
Il y a une cumulation ascendante des éléments rencontrés : une échelle.
Cette structure "verticale" rappelle fortement celle qui est définie dans le catalogue AArne et Thomson sous le numéro AT 2031 Stronger and Strongest.
Mais le AT 2031B (Abraham learns to worship God. At nightfall Abraham worships a star, then the moon, then the sun, and finally gives up idolatry) convient encore mieux !
Cette structure est souvent utilisée dans l'enseignement des religions monothéistes :
- "Un cabri que mon père avait acheté pour deux zouz " (rituel de la religion juive)
- "Les 10 ou 11 choses les plus fortes du monde" (récit populaire des Flandres)
- "La sourate 6" du Coran, (les bestiaux/le bétail) versets 74-79 dont voici le texte
74 (rappelle le moment) où Abraham dit à 'Azar, son père : "prends- tu des idoles comme divinités? Je te vois toi et ton peuple dans un égarement évident!"
75 Ainsi avons- Nous montré à Abraham le royaume des cieux et de la terre afin qu'il fut de ceux qui croient avec conviction.
76 Quand la nuit l'enveloppa, il observa une étoile , et dit : " voilà mon Seigneur!" Puis lorsqu'elle disparut, il dit "Je n'aime pas les choses qui disparaissent".
77 Lorsqu'ensuite il observa la lune se levant, il dit "voilà mon Seigneur!" puis lorsqu'elle disparut, il dit :"si mon Seigneur ne me guide pas, je serai certes du nombre des gens égarés".
78 Lorsqu'ensuite il observa le soleil levant, il dit : " voilà mon Seigneur! Celui ci est plus grand" puis lorsque le soleil disparut, il dit : "O mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allah.
79 Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé (à partir du néant) les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui lui donnent des associés."
Dans les religions polythéistes et dans les récits populaires sans connotation religieuse, c'est, à partir du même point de départ, "la recherche du plus fort", un voyage généralement circulaire qui s'effectue. Exemple : à force de vouloir le plus puissant du monde comme époux pour sa fille souris, le père passe du soleil au nuage, du nuage au vent, du vent à la tour et de la tour au souriceau qui la ronge . Ou encore, le fils de mineur qui veut être le plus fort du monde redevient finalement mineur après avoir été soleil, nuage et montagne.
Dans le jargon des "conteurs contemporains", nous appelons ce genre de récits des randonnées... La promenade continue !
Saint Christophe, le passeur de l'eau
Court extrait d'une page personnelle internet de G.Bertin, Angers, 1999.
Cette page dont le contenu est très intéressant est aujourd'hui inaccessible. Je ne connais pas l'auteur mais j'aimerais retrouver un lien actif...
La légende.
Martyr en Lycie, en 250, saint Christophe est fêté le 25 Juillet où il voisine St Jacques également fêté à cette date (St Christophe est aussi de nos jours fêté le 24 ou parfois le 21). Fouetté sous l'empereur Déce par des verges de fer, il fut préservé de la violence du feu par la puissance de Jésus Christ. et fut enfin décapité. Il est aussi fêté en Grèce le 9 mai.
Christophe, originaire de Syrie était un géant (sa taille atteignait les 9 mètres), son nom primitif était Offerus ou Offro, Adokimus ou encore Reprobus qui passait pour avoir la capacité de faire le tour de la terre en 24 enjambées.
Il voulut connaître le prince le plus puissant de la terre pour se mettre à son service. Le premier était terrorisé par Satan, aussi Reprobus se mit au service de ce dernier jusqu'à ce qu'il comprenne que le diable lui-même avait peur de la vue d'une croix. Il quitta donc son service. Après une période d'errance, il rencontra un ermite du nom de Babylas qui le convertit et lui proposa un emploi de passeur sur une torrent impétueux. Il semble dans l'imagerie populaire rester un peu sot, à tel point que l'ermite doit lui éclairer la "bonne route" avec une lanterne. Belle imagerie de la christianisation du géant primitif, de la sauvagerie par la lumière de la foi.
Alors qu'il accomplissait sa tâche, un enfant arrive qui sollicite le passage, il le charge sur ses épaules et commence à le transporter de l'autre côté du courant. Plus il avance, plus l'enfant s'alourdit, Christophe ploie sous la charge "je croyais porter le monde entier" dit-il à l'enfant parvenu de l'autre côté, "tu le portais, répond l'enfant, je suis le Christ".
Plusieurs dictons populaires le célèbrent:
"Pluie violente à la saint Christophe, mène à la catastrophe".
"Si vous avez vu saint Christophe, ne craignez nulle catastrophe".
"Qui voit saint Christophe en passant, ne mourra pas de mort subite, je dis son image bénite tant sur le diable il est puissant".
vendredi 11 avril 2008
Le Réprouvé, adaptation personnelle
Il venait d’un pays de chien, quand il parlait, il aboyait.
Il était si fort que pour se faire un bâton de marche il arrachait un arbre. On l’appelait le Réprouvé mais, il était si fort, que tout le monde le voulait à son service.
Lui, il avait décidé qu’il ne rentrerait au service que du plus puissant du monde. Il est parti à sa recherche.
Il a marché et il a trouvé une ville dont le roi était le plus puissant des rois. Il est entré à son service et il l’a servi de toute sa force, de tout son cœur et de tout son courage. Un troubadour est venu à la cour. Il a chanté et à certains mots qu’il chantait le réprouvé a vu que le roi le plus puissant des rois faisait de drôle de signes en se reculant d’un air effrayé. Le Réprouvé a interrogé le roi : tu as eu peur, non a répondu le roi. Pourquoi as tu fais ses signes ? Ah, ceux là, mais c’est pour conjurer le diable… Tu n’es pas le plus puissant et moi je veux servir le plus puissant !
Le réprouvé est parti à la recherche du diable : il était juste derrière la porte ; il est entré à son service et l’a servi de tout son cœur et de tout son courage. Un jour qu’il le suivait sur une large route bien commode le Réprouvé a vu le diable faire un bon de côté dans les épines, et effectuer un grand détour pour revenir sur la route un peu plus loin. Tu as eu peur ? Moi, non. Pourquoi ce détour ? Ah, ça c’est à cause de la croix. Là où est la croix, il y a le Christ et je ne peux y être. Tu as eu peur, tu n’es pas le plus fort.
Le Réprouvé est parti, il a cherché le Christ. Il n’était pas derrière la porte, il a marché cherché et il a trouvé un vieil ermite qui en savait un peu plus long. L’ermite lui a dit que pour trouver, il fallait prier. J’ai servi le roi le plus puissant des rois, le diable mais je ne sais pas prier. Alors il faut jeûner. Ça je ne peux pas a dit le réprouvé. Alors, a dit l’ermite, puisque tu es fort, installe-toi près de ce fleuve et aide à faire passer les voyageurs.
Il a construit sa cabane et il a mis toute sa force son cœur et son courage pour faire passer le gué à ceux qui se présentaient.
Une nuit il a entendu une voix qui l’appelait, il est sorti n’a vu personne. La voix l’a rappelé. Il est sorti, rien. Une 3ième fois il l’a entendue et là il a vu d’où ça venait. Juste devant lui un tout petit enfant.
L’enfant a dit aide-moi à passer le fleuve. Le réprouvé s’est baissé, l’a pris sur son épaule, a saisi son bâton et s’est avancé vers le fleuve. Quand il est entré dans l’eau, tout d’un coup il a senti le poids de l’enfant, il était étonné, un si petit être. Il a continué d’avancer, l’enfant devenait lourd. L’eau montait, il s’est cramponné à son bâton, l’enfant était de plus en plus lourd, le Réprouvé vacillait sous le poids et le courant, il a cru que jamais il n’atteindrait la rive. Il est sorti de l’eau avec sur les épaules ce poids énorme. Il a déposé le petit enfant sur le sol et a dit à l’enfant : tu pèses. L’enfant a répondu : c’est sûr, je suis le Christ et c’est moi qui porte le monde. Si tu ne me crois pas, une fois rentré chez toi plante ton bâton et tu verras.
Le réprouvé a retraversé le fleuve, planté son bâton de marche. Le lendemain le bâton portait des fleurs et des fruits. C’est ce jour là que le Réprouvé a changé de nom : il est devenu Christophe, celui qui porte le Christ …
La suite de son histoire, il ne faut pas compter sur moi pour vous la raconter… Car la suite ne m'intéresse pas du moins telle que je l'ai lue dans la Légende dorée de Jacques de Voragine.