mardi 11 février 2014

Siddharta, le passeur dans le roman de Hermann Hesse

Merci à Alain Gourhant et ses histoires de barques,  de m'avoir prémaché le boulot :

Dans la 3e partie du célèbre livre de Hermann Hesse "Siddhartha", celui-ci, après une vie mouvementée consacrée d'abord à l'ascèse puis aux désirs et aux désillusions du monde, s'en retourne se retirer auprès d'un passeur et de sa barque, le long du grand fleuve, pour tenter enfin de réaliser la Sagesse. Hermann Hesse renoue avec la mythologie du Passeur qui, sur sa barque, grâce à sa sagesse, permet de conduire les âmes égarées sur l'autre Rive.
Siddhartha resta auprès du passeur et apprit à se servir lui aussi de la barque. Quand il n'était pas occupé à passer, il travaillait dans une rizière avec Vasudeva, ramassait du bois et cueillait des bananes. Il sut bientôt fabriquer des rames, réparer la barque, tresser les corbeilles et s'intéressait vivement à tout ce que son compagnon lui enseignait. Mais si Vasudeva pouvait lui enseigner beaucoup de choses, le fleuve lui en enseignait davantage et cet enseignement durait sans interruption. La première chose qu'il apprit ce fut à écouter, à écouter d'un coeur tranquille, l'âme ouverte et attentive, sans passion, sans désir, sans jugement, sans opinion. Il vivait aux côtés de Vasudeva dans la plus étroite amitié et si parfois ils échangeaient quelques propos, ce n'était que pour se dire des choses brèves et mûrement réflèchies. Vasudeva n'aimait pas les longs discours et Siddhartha arrivait rarement à le faire parler. Un jour, il lui posa cette question : "Est-ce que le fleuve t'a aussi initié à ce mystère : que le temps n'existe pas ?
- Oui, Siddhartha, lui répondit-il. Tu veux dire sans doute que le fleuve est partout simultanément : à sa source et à son embouchure, à la cataracte, au bac, au rapide, dans la mer, à la montagne : partout en même temps, et qu'il n'y a pas pour lui la moindre parcelle de passé ou la plus petite idée d'avenir, mais seulement le présent.
- C'est cela dit Siddhartha. Et quand j'eus appris cela, je jetai un coup d'oeil sur ma vie, et elle m'apparut aussi comme un fleuve, et je vis que Siddhartha petit garçon n'était séparé de Siddhartha homme et de Siddharta vieillard par rien de réel, mais seulement par des ombres.
Hermann Hesse "Siddhartha"  Le Livre de Poche