dimanche 20 avril 2008

Erasme, Holbein, Eloge de la Folie

"Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de menson­gères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fan­tômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. Plus le fait est invraisem­blable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures ; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs.

Bien voisins sont les gens qui, par une folle mais douce persuasion, se figurent que la rencontre d’une statue ou d’une peinture de ce Polyphème de saint Chris­tophe les assure de ne point mourir dans la journée, ceux qui adressent à sainte Barbe sculptée les paroles prescrites qui font revenir sain et sauf de la bataille, ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu'ils feront fortune promptement." Extrait de Eloge de la Folie d'Erasme (humaniste hollandais), 1511; Dessin de Hans Holbein.